Un printemps à Tonnerre

J'ai un peu délaissé les expositions d'aquarelles pour remplir des carnets.  Des tas de carnets, de tous les formats, avec des tas de techniques différentes. J'ai bien rigolé, j'ai aussi beaucoup appris, voyagé, rencontré plein de gens, feuilleté des tas et des tas d'autres carnets, tous plus magistraux les uns que les autres, et, souvent, j'ai répondu à cette question : "Mais qu'est-ce que vous en faites après, de vos carnets?", par un laconique : "Rien".  C'est vrai, d'une certaine façon : rien d'autre que de les garder dans un petit meuble dédié et de les feuilleter de temps à autre pour réactiver des souvenirs, des époques et des lieux.  Ca n'est pas vraiment rien du tout, en somme.  Mais ça n'implique pas grand monde.  Un historien du futur sera peut-être ravi de cette mine d'informations, si elle échappe à l'oubli, mais, pour l'instant, tout est disséminé sur les réseaux sociaux et dilué dans les publications d'autres carnettistes.

Ce printemps, j'ai changé mon fusil d'épaule, et, comme j'ai déjà sketché Tonnerre sous toutes ses coutures ou presque, j'ai repris à zéro sur des feuilles volantes.  Qui permettront encadrement et exposition.  Plus tard.  Pour l'instant, je glane.  La ville a pas mal changé depuis mes premiers croquis de 2013.  A l'époque, je dessinais en bleu.  Aujourd'hui, je ne suis plus toute seule, on sort souvent au moins en binôme, avec de nouvelles têtes, et la Fosse Dionne est connue dans le cénacle des sketchers de toute la France et de toute la Belgique, au moins.  J'ai pris la ferme résolution d'organiser chaque année une rencontre de printemps et une rencontre d'automne à Tonnerre. Il nous faut un tampon.  Bref, une nouvelle phase pleine de promesses.

A l'image de la ville, donc, qui semble sortir progressivement de ce lent déclin qui remplissait ses habitants d'amertume, pour ne pas dire de désespoir. Le Confinement a poussé les parisiens à s'éloigner de Paris et à chercher de l'espace ailleurs. Le coût dérisoire de l'immobilier dans le Tonnerrois et le charme de l'Yonne ont fait le reste.  Un peu aidés par la publicité orchestrée par un maire pour qui l'audiovisuel n'a plus de secrets. 

Cette petite maison jaune abandonnée depuis des décennies y trouvera certainement son salut, si on en juge par les étais qui la soutiennent désormais.  Les bruits de marteau et de perceuse ont envahi le quartier et je me dépêche de saisir ce qui reste du délabrement si graphique des bâtiments qui entourent la Fosse Dionne.

De la même façon, la place de la Halle Daret et en pleine métamorphose.  La Municipalité a déjà entrepris de ravaler pas mal de bâtiments tout autour et il se pourrait bien que la vieille boutique à l'angle de la rue de l'Ancien Collège retrouve d'ici peu un second souffle.  Et elle ne sera pas la seule à en juger par le fracas des travaux qu'on devine derrière les devantures aveugles.

Ici encore, au-dessus des eaux raréfiées par la chaleur de la Fosse Dionne, de vieilles bâtisses qu'on regardait s'affaisser lentement feront l'objet de travaux salutaires, qui changeront substanciellement leur apparence.  La ville s'en trouvera revigorée, et mes dessins auront valeur de témoignage de ces strates superposées qu'on oublie aussi vite qu'elles disparaissent.

Comments

[francoisbonneau]

Bonjour,

Effectivement, il y a pas mal de temps que je me suis fait cette réflexion de la visibilité des dessins que l'on fait dans la nature ou en ville sur des carnets qui ne concernent plus que nous à la fin. J'ai donc opté pour des carnets à spirale, dont on peut ensuite extraire les feuilles pour en faire des cadres en vue de quelques expositions. La majorité de mes dessins devient ainsi le temps d'expo une œuvre accrochée... J'utilise les carnets Daler-Rowney que je trouve à Cultura à Auxerre en A5, A4 et A3... (en 250 gr grain fin)

[Annie turpin]

Merci Christine pour ce partage.

C'est toujours un plaisir.