L'attrait de la ligne claire
Comme promis, voici un petit mot sur Anne Mourat, cette sculptrice à qui Pratique des Arts consacrait récemment un article. Elle est fascinée par les africains, dont elle exalte les formes pleines et généreuses par de franches disproportions dans ses sculptures. Sans verser dans la caricature, elle lorgne plus franchement vers l'allégorie. Ainsi, ses femmes aux hanches replettes, fermement plantées en terre, semblent totalement assumer leur opulence, que l'artiste appelle "puissance féminine", tout en reconnaissant que son expression peut ressembler, à première vue, à un oxymore. Les gens attentifs savent bien qu'il n'en est rien.
Pour ma part, j'ai été totalement conquise par les études par lesquelles elle prépare son travail en volume. Je ne me lassais pas de les regarder quand j'ai compris d'un coup qu'elles me plaisaient tant parce qu'elles me rappelaient le talent des meilleurs dessinateurs de bandes dessinées. De la même façon, je suis une inconditionnelle des carnets de voyage parce qu'eux aussi réservent généralement une place de choix au dessin, au trait et à la ligne claire.
Peut-être à cause de ma formation initiale dans les comics américains, je continue à être charmée par dessus tout par l'élégance du tracé des artistes que j'apprécie. Même dans de simples études préparatoires (qui n'ont généralement rien de simple). L'absence de charpente dessinée dans une oeuvre quelconque me laisse toujours sur ma faim. Mon oeil ne sait naviguer dans un tableau que s'il peut s'accrocher aux sinuosités d'une ligne ferme qu'une main experte a su guider jusqu'à une expressivité que j'ai du mal à retrouver chez les coloristes dénués de compétences graphiques.
Ce travail si épuré a été mis en pratique quasiment tel quel par l'auteur génial de la série Sambre, Yslaire. Il n'est pas le seul et j'aurai l'occasion d'y revenir.