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Les secrets de l'Atelier de la Timbale
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2 novembre 2013

Les livres parlent de nous...

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"J’allais et m’amusais de vérifier, encore et encore, que les artistes ressemblent à leur œuvre. Paresseusement on croit à l’inverse, par un sainte-beuvisme de bazar : l’artiste s’exprimerait et donnerait forme à son œuvre, et celle-ci donc le reflèterait.  Allons !  Un tour sous les platanes du Marché aux Artistes  révèle tout ! L’artiste ne s’exprime pas – car que dirait-il ? : il se construit.  Et ce qu’il expose, c’est lui.  Derrière son étal il s’expose au vu des badauds qu’il envie et méprise, sentiment qu’ils lui renvoient bien, mais autrement, à l’envers, et ainsi tout le monde est content.  L’artiste fabrique son œuvre, et en retour l’œuvre lui donne la vie.

   Regardez ce grand type maigre qui fait de terribles portraits à grandes touches d’acrylique : chacun est lui sous différents angles.  Assemblez-les, ils le montrent tel qu’il voudrait être.  Et ce qu’il voudrait est.

   Regardez celui qui peint avec soin des aquarelles trop vives, trop tranchées, dont les couleurs crient, dont les masses articulent distinctement.  Il est sourd et entend très mal ce que disent les curieux, il peint le monde tel qu’il l’entend.

   Regardez cette femme très jolie qui ne peint que des portraits de belles femmes.  Toutes lui ressemblent, et avec les années elle s’habille de mieux en mieux, se fane, et ces femmes peintes sont d’une beauté de plus en plus tapageuse.  D’une façon prévisible elle signe « Doriane ».

   Regardez ce Chinois timide qui propose des peintures d’une extrême violence, des visages en gros plan profondément défoncés de coups de brosse.  Il ne sait jamais où mettre ses mains énormes et s’en excuse d’un sourire charmant.

   Regardez celui-ci qui peint des miniatures sur des planches de bois ciré.  Il arbore une coupe au bol que l’on ne voit que dans les marges des manuscrits, il a un teint de cire, et son répertoire de gestes se réduit progressivement jusqu’à n’être que celui de la statuaire médiévale.

   Regardez cette grande femme aux cheveux noirs teints, qui eut de meilleures années, qui maintenant se flétrit mais reste droite et l’œil étincelant.  Elle peint des corps enchevêtrés d’un trait souple d’encre de Chine, d’un érotisme assuré qui ne déroge pas, mais sans débordement.

   Regardez cette Chinoise assise au milieu de toiles décoratives.  Ses cheveux entourent ses épaules d’un rideau de soie noire qui est l’écrin de sa bouche d’un rouge éblouissant.  Sa peinture clinquante n’est que de peu d’intérêt, mais quand elle s’assoit entre ses toiles elles deviennent le fond parfait du pourpre profond de ses lèvres." (p. 48/49)

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