Un mot sur l'impressionnisme abstrait

Un documentaire sur la 5 enregistré au milieu de la nuit avait pour thème les manoeuvres culturelles de la CIA dans les milieux intellectuels européens de l'après-guerre.  J'avais mis ça de côté depuis un petit moment, en attendant la soirée propice, qui a fini par arriver et là, une vraie révélation !  Je passe sur les étapes d'approche des artistes en vue à cette époque autour du bloc de l'Est pour en venir directement à ce qui m'a intéressée : l'utilisation de l'impressionnisme abstrait par les agents de la CIA pour contrecarrer les dogmes artistiques du bloc de l'Est.

Pour résumer, il s'agissait d'utiliser les artistes pour promouvoir les valeurs de la démocracie américaine, en leur laissant l'illusion de la liberté (y compris une possibilité de critique légère des Etats-Unis), pour les détourner durablement d'expressions artistiques favorables à la promotion de valeurs politiques engagées et probablement anticapitalistes.  L'examen attentif de leurs nombrils garantissait aux services secrets américains une absolue inocuité sociale.

Bien entendu, toute l'intelligentsia s'est lancée tête baissée dans ce piège séduisant : les artistes n'avaient plus à servir d'autre cause que leur propre naricssisme en proclamant à qui voulait l'entendre qu'ils se faisaient les chantres de la Liberté et qu'ils oeuvraient pour le bien de l'humanité. 

L'un des intervenants, Günter Grass, affirmait que la CIA était tout bonnement une organisation criminelle.  Evidemment, c'est loin d'être l'opinion dominante mais, une fois de plus, on en est réduits à avoir une vision intuitive, dénuée de tout fondement certain, puisque, même dans ce que l'homme a de plus précieux (sa faculté de création), des individus sans scrupules se sont livrés et se livrent encore à des manipulations répugnantes, qui privent leurs contemporains de véritables outils de réflexion.

Le plus irritant, dans tout cela, c'est la bonne conscience arrogante de l'un des responsables de ces campagnes d'intoxication qui, face caméra, sans ciller, proclame qu'il n'agirait pas d'une autre façon si c'était à refaire, puisqu'il a contribué à promouvoir le meilleur mode de vie possible en ce monde.  Un rappel cuisant de la vigilance qui devrait être la nôtre, en tant qu'individus pensants et créateurs...