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Les secrets de l'Atelier de la Timbale
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9 décembre 2010

C'est d'un pompier !

J'emprunte ce titre à Achille Talon, hop, pour polémiquer dans la bonne humeur et tenter de réparer une affreuse injustice artistique, qui a peut-être été bien méritée, mais on pourrait quand même passer l'éponge, après tant de décennies...  Je veux parler des peintres qu'on a qualifiés avec malveillance de "pompiers", non pas qu'ils entretenaient une quelconque relation avec certains camions rouge vif audibles de loin, mais qu'ils abusaient, au goût de certain de la pompe, cette accumulation hyperbolique dont ont a fini par penser qu'elle nuisait au sujet.

Bouguereau__Naissance_de_V_nusIllustration par l'exemple : La naissance de Vénus, de William Bouguereau, datant de 1879.  Evidémment, on peut se laisser distraire par l'abondance d'angelots, les liserés argentés des nuages, la drôle de tête du dauphin, la virilité encombrante du centaure, l'abondance des chairs représentées sur un seul tableau, mais quand même, il faut bien avouer que le gars connaissait son affaire.  Le rendu des carnations laiteuses ou hâlées, les plans de plus en plus diaphanes à mesure qu'on s'approche du ciel, la transparence de l'eau, l'harmonie absolue des proportions et de la composition sont autant d'écueils qui seraient fatals à énormément de peintres vivants.  Mais voilà, Bouguereau porte une étiquette qui le voue aux gémonies contemporaines : l'académisme.  Il faut désormais sortir des sentiers battus, explorer sa psyché, vider ses tripes sur la toile, bousculer les conventions, traquer ses moindres petites névroses jusqu'aux recoins les plus reculés de sa vie intime pour susciter l'intérêt.  L'art est devenu éminemment individuel et ne dit plus la pensée collective ou sociale.  Il faut s'affranchir des codes que les générations d'artistes qui nous ont précédés ont mis des siècles à formuler parce qu'à la longue, ils ont été ressentis non plus comme des canons garantissant l'accès au Beau mais comme des camisoles qui restreignaient la liberté d'expression des artistes.  Exiunt les Bouguereau et les Gérôme, c'était l'avénement des Impressionnistes.

Gerome_Pollice_VersoJean-Léon Gérôme, l'auteur de cet admirable Pollice verso de 1872 fut d'ailleurs un ardent détracteur de cette nouvelle école, qui tournait le dos aux scènes mythologiques pour s'émouvoir devant des couchers de soleil vénitiens.  Il aurait eu bien du mal à prévoir le succès de ces peintres de plein-air et doit encore se retourner dans sa tombe en voyant la postérité qui est la leur, quand son nom à lui, s'il n'est pas tombé dans l'oubli, brille cependant avec moins d'éclat aujourd'hui.  Et pourtant, je ne sais pas si cela ne fait cet effet-là qu'à moi, mais quel bonheur dans ces rais de lumière qui scandent l'espace de cette arène romaine !  Et ces petits personnages qui composent la foule des places au soleil !  Quelle maestria !

Le Petit Palais, entre autres, permet encore de succomber à l'enchantement de ces peintres si injustement décriés. Peut-être ont-ils pêché par orgueil.  Ils étaient peut-être arrivés au bout du bout de ce que la figuration permettait. Ou alors, l'application de recettes figées a fini par lasser un public avide de sensations nouvelles.  Je ne sais pas, toujours est-il que, comme dirait une amie peintre que la fréquentation des musées ravit autant qu'elle la désespère, "ça me rend malade" !  De jalousie, bien sûr.  Je suis cependant ravie de voir parfois émerger quelques dignes héritiers de ces virtuoses, comme par exemple l'américain Graydon Parrish, pour ne citer que lui.  Dommage qu'il faille aller à l'autre bout du monde pour fréquenter les émules de nos génies nationaux !

Parrish__Graydon_3Graydon Parrish, The cycle of terror and tragedy (illustration des attentats du 11 septembre 2001, les jumeaux aux yeux bandés représentant les deux tours du World Trade Center).

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Commentaires
N
Je ne peux être que complètement d'accord. <br /> Et maintenant je crois, on est tombé dans l'excès inverse où la démarche importe plus que le résultat on est tombé dans la dictature du concept. Je suis comme vous dans le registre du figuratif et pour arriver au résultat que nous cherchons il faut beaucoup de travail et un minimum de technique. J'aime bien votre façon de décortiquer vos tableaux, ça montre bien tout le travail et le savoir faire nécessaire.
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C
Entièrement d'accord. Mais, d'un autre côté, je suis honteusement accro à la virtuosité. Je n'y peux rien, ça me bluffe totalement. Bien sûr, quand elle est gratuite et dénuée de toute profondeur, je trouve ça (un peu) regrettable; mais même ! Je suis malgré tout facilement séduite par la forme, même au détriment du fond. Et j'avoue rester parfois de marbre devant un message généreux traité à la truelle. L'idéal, c'est effectivement la rencontre des deux, du sens édifiant et du style flamboyant, comme vous le suggérez. C'est suffisamment rare pour être encore précieux dans notre époque de grande abondance de tout. Merci pour votre réaction, en tout cas, et à bientôt !
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N
Les tenants de la peinture reconnue, admirée, officielle c'était eux et il a fallu un très long chemin mental pour admettre d'autres formes de peintures rejetées alors. Ils étaient dans l'impasse de la perfection technique. <br /> C'est la même chose en photo, la perfection technique nuit à l'émotion.<br /> On trouve des merveilles dans les détails c'est vrai, mais l'ensemble… La disgrâce dans laquelle ils sont maintenant est sans doute un peu injuste, c'est le revers des honneurs excessifs qui leur ont été faits. Ils ont leur place dans l'histoire et représentent bien leur temps, une fin de 19è siècle guindé et conformiste. Les impressionnistes s'inscrivent aussi dans leur temps de révolution culturelle qui a suivi mais leur peinture transcende leur époque en révolutionnant le regard sur les choses.<br /> Ce qui fait la différence entre les très grands et les bon peintres c'est leur regard singulier.
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P
je voue tout comme toi une admiration sans borne à ces génies figuratifs, voire hyperréalistes , mais je suis néanmoins rassuré de pouvoir apprécier des contemporains qui n'ont rien à leur envier tant dans la démarche picturale que dans la technique !!!
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